Au détour d’une épidémie, embrasser ceux que l’on aime devient soudain prohibé, et même potentiellement dangereux. Peur de contaminer, peur d’être contaminé. Le nouveau mot d’ordre étant la prudence en toutes circonstances, il faut bannir les effusions et autres comportements « à risque » ! Allons-nous entrer durablement dans un monde de défiance ? Un monde aseptisé, sécurisé, réglementé, contrôlé, désincarné…
Dans ce nouveau monde à peine moins étrange que les dystopies de nos séries favorites, nous devons désormais garder nos distances, ne pas nous toucher, nous asperger de gel hydroalcoolique, parler au travers de parois de plexiglass, porter ce masque qui efface les sourires et empêche de déguster la bouche aimée… Oui, oser un baiser prend des allures diaboliques.
Ne restent que les yeux pour se dévorer, car nous voici obligés d’appliquer à la lettre la petite injonction de notre enfance : « on touche avec les yeux » ! Alors on rêve les étreintes. On se languit, devenant tous un peu Princesse de Clèves malgré nous, prolongeant peut-être la magie du désir par une éternelle attente.
On rêve de baisers volés, de baisers légers comme des plumes, de baisers pointus et espiègles, de baisers gourmands, intrigants, insolents, de baisers cambrioleurs, de baisers qui mordent et nous plongent dans les délices d’un enfer sublime.
Aujourd’hui, plus que jamais après un confinement difficile qui laisse des traces, des milliers de femmes convoquent de toute leur âme le baiser amoureux, autant qu’elles brûlent d’échapper au baiser de Judas. Le baiser lâche, le baiser de fausse tendresse, le baiser qui s’impose et laisse un goût amer, qu’on tente d’effacer du revers de la main, le baiser que l’on redoute, qui prend sans demander, le baiser qui appuie sur la nuque, qui écrase et soumet… Voilà bien le baiser du diable.
Tous les autres baisers, même les plus inconsidérés, les plus extravagants, les plus illicites, et même les plus virulents, ne sont que poèmes de nos lèvres.
Nos corps et nos cœurs s’impatientent. Il nous tarde de sortir de ce mauvais rêve, de retrouver les amours, les amis, et de célébrer la vie !
VAM