Profitant d’un impédancemètre, balance nouvelle génération vous indiquant laconiquement votre composition corporelle (masse musculaire, masse graisseuse, masse hydrique…), je découvre que mes os ne représentent que 2 kg de mon corps. Somme toute, pas grand chose.
Quelque soit notre corpulence, nous nous résumerons tous, à notre mort, à ces 2 à 5 kg d’os. Et pourtant, toute notre vie, nous nous préoccuperons de notre enveloppe charnelle, de ces muscles à développer, de ces bourrelets à éliminer, de ces courbes à sculpter…
Le corps comme trait d’union
On me demande souvent pourquoi mes œuvres ne traitent quasiment que de nu. C’est que le corps représente pour moi le creuset de tous les désirs, de tous les plaisirs et de toutes les douleurs, tout ce qui fait de nous des êtres humains si semblables et prévisibles.
Tout en cherchant à se conformer à une esthétique convenue, la plupart d’entre nous tentent de cultiver une originalité de style qui nous distinguerait et nous rendrait un tant soit peu unique (je n’échappe pas à la règle, sinon, serais-je artiste ?!). Donnant ainsi naissance à une paradoxale uniformisation de l’originalité !
Mais dénudé, privé des codes sociétaux, le corps redevient dénominateur commun de notre simple humanité. Un sexe, des seins, des fesses, dissociés de la projection du désir, ne sont que des attributs naturels. Scénographier ce corps nu dans mes œuvres (comme dans la série « Corpus ») me permet de souligner l’universalité de nos émotions. Joie, déception, peine, mélancolie, amour, allégresse, enthousiasme, peur, désir… Nous sommes toujours persuadés que la façon dont nous les ressentons n’est propre qu’à nous, que nul autre ne les a vécu avec la même intensité, la même particularité. Vaste illusion…
Retour à notre vraie nature
Tout ce que notre corps ressent – ce qui nous prend aux tripes, ce qui nous arrache le cœur, ce qui nous fait froid dans le dos, ce qui nous donne des papillons dans le ventre, etc. (les expressions sont légions pour dire ces émotions/sensations) – tout ceci nous unit au delà de toute individualité. Comme un simple élément du grand “tout”. Une invitation à rester humble, mais aussi à nous réjouir de cette “appartenance”.
Dans son bestseller « Femmes qui courent avec les loups », Clarissa Pinkola Estés analyse des contes et rituels ancestraux, comme « Chanter au dessus des os », pour évoquer les mythes et archétypes de la femme sauvage, c’est à dire une femme en harmonie avec la beauté de ses formes psychiques naturelles. J’aime donc particulièrement cette « Nomade » de la série Corpus, qui illustre une âme féminine en marche, en accord avec sa nature, son corps et ses 2 kg d’os.
VAM